Microcrédit à Débéré

La micro-finance dans le monde

Un Succès mondial

La micro-finance est un des axes majeurs du développement mondial des pays les plus pauvres. Il s’agit de permettre l’accès au crédit économique aux 80% de la population mondiale qui aujourd’hui n’y a pas accès car elle est trop pauvre pour fournir les garanties nécessaires auprès de banques traditionnelles. Inventé en Afrique (où il existe une longue tradition de prêts collectifs), en Asie, et en Amérique Latine simultanément il y a 20 à 30 ans, des institutions associatives se sont mises en place pour fournir des crédits aux plus pauvres. Il ne s’agit pas de crédits à la consommation, pour acheter de la nourriture ou un téléviseur, mais de crédits à l’équipement pour permettre à chacun de travailler : pour que l’éleveur puisse s’acheter des boeufs et vaches, l’agriculteur des semences et outils, le tisserand sa machine à coudre etc.

Yunus

A la surprise de tous, le succès de ces institutions est mondial. Le prix nobel de la paix fut décerné en 2006 à Mohammad Yunnus, fondateur d’une de ces institutions au Bangladesh : la Grameen Bank. A titre d’exemple, la très populaire Grameen Bank (« banque rurale ») compte 5 millions de clients bénéficiaires, qui sont à 85% des femmes. Elle appartient entièrement à  ses bénéficiaires et elle est complètement autonome financièrement. Au sein de la Grameen Bank, à travers des cycles d’emprunts et de remboursements de plus en plus importants, il a été estimé qu’il faut en moyenne 20 ans pour sortir les bénéficiaires du seuil de pauvreté: en une génération, une famille prend le contrôle de son sort. Aujourd’hui, on compte plus de 10 000 institutions de micro-finance pour près de 100 millions de bénéficiaires. Avec un taux de croissance de 25% par an, un taux mondial de remboursement des crédits de 98%, il s’agit probablement d’un des plus grands espoirs du développement des pays du sud.

Les dangers des institutions de micro-finance

Ce succès est tellement important que certaines de ces institutions ont grandi pour compter aujourd’hui plusieurs millions de clients. Contrairement au modèle porté par la Grameen Bank, certaines sont tellement grosses, tellement rentables, qu’elles sont en cours de capitalisation pour devenir des banques privées spécialisées dans la micro-finance. Les banques traditionnelles ont également compris tout l’intérêt que pouvait porter ce marché et commencent à se positionner sur le micro-crédit. Certaines proposent parfois des prêts à la consommation synonymes de surendettement dans des populations déjà pauvres.
L’entrée ainsi du profit économique pure dans la micro-finance pose la question de ses limites et d’une législation spécifique pour encadrer les taux d’intérêts pratiqués. De nombreux gouvernements légifèrent aujourd’hui dans ce sens. Les taux d’intérêts pratiqués varient entre 10% et 30% par an, permettant le taux de croissance très important du secteur. Ils peuvent se permettre d’être élevés car les secteurs économiques visés dégagent de fortes marges bénéficiaires. Naturellement, il peut devenir dangereux si ces forts taux d’intérêts servent des intérêts capitalistes plutôt que de servir l’intérêt des populations elles-mêmes.

Notre projet à Débéré

La caisse de village – ou la micro-finance autonome

Une caisse de village est une petite institution de micro-crédit à l’échelle d’un village. Elle se différencie d’institutions extérieures par le fait qu’elle appartient au village et qu’elle est gérée entièrement par lui selon ses propres modalités. En effet, c’est un comité associatif de village qui fixe ses taux d’intérêts, ses durée de remboursement, ses règles d’accessibilité etc. La caisse est constituée par les dons et cotisations de l’association et sert tant l’intérêt commun du village que l’intérêt de chaque entrepreneur. Pour reprendre l’exemple précédent, il s’agit du modèle de la Grameen Bank appliquée à toute petite échelle, de quelques dizaines à 200 bénéficiaires tout au plus.

Il faut également différencier la caisse de village du système de tontine dans lequel chacun cotise régulièrement pour reverser périodiquement une somme importante à une unique personne (qui tourne) sans système de remboursement. Alors que la tontine sert des intérêts exclusivement personnels de toute nature, la caisse de village est dédiée aux investissements économiques, personnels ou collectifs. Elle implique une solidarité bien plus forte puisqu’il s’agit de la mise en commun de ressources dans une caisse commune gérée par tous.

Parce qu’elle est autogérée, elle répond parfaitement aux besoins locaux de petits investissements. Dans nos villages, l’agriculture de mil se prête difficilement au prêt par la caisse de village à cause de retours variables selon les aléas climatiques, et du cycle de récolte relativement long. Néanmoins, l’achat de coton pour les nattes, de bœufs et moutons pour l’engraissage, ou de graines pour le potager lui convient parfaitement.

Comme la caisse appartient à tous, la simple pression de l’ensemble des villageois exerce un contrôle efficace contre les risques de malversations personnelles. Une autre partie du succès des caisses de village vient de sa flexibilité. Les débiteurs sont assurés du soutien compréhensif du village quant aux modalités et aux intérêts de remboursements. D’autres institutions créditrices, telles que les ONG pratiquant le micro-crédit ou les institutions bancaires, doivent être bien plus inflexibles face à leurs débiteurs en cas de défaut de remboursement.

Au village de Débéré

Le village de Débéré est un village de grande taille, chef lieu de la commune portant son nom, et comptant 1700 habitants. Il se situe non loin de Douentza, la plus grande ville et la capitale de la Préfecture portant son nom. Plusieurs ONG importantes sont implantés à Douentza dont une qui a fait du micro-crédit aux femmes en 2001 et 2004.

Kadji et femmes Debere

Kadji Pathé et ses consoeurs à Débéré, octobre 2007

En février 2007, nous avons acheminé un apport de 300 € pour initier la caisse auprès des femmes. Nous souhaitions nous appuyer sur l’expérience d’organisation des femmes en la matière pour qu’elles créent et gèrent elles-mêmes leur propre caisse.

Impact

Kadji Pathé et les femmes ont su s’organiser autour des 200 000 Fcfa et créer une véritable dynamique auprès des 400 femmes du village. Elles ont privilégié la solidarité en ne limitant pas le nombre d’inscrits, mais en adaptant le fonctionnement de la caisse pour la rendre efficace au plus tôt grâce à un taux de croissance important. Les emprunts annuels des femmes possèdent actuellement un taux d’intérêt de 60%, taux très élevé pour permettre l’augmentation rapide de la banque afin de la rendre viable au plus vite. En effet, afin qu’elle soit viable à long terme avec un grand nombre de femmes, les liquidités devront graduellement être augmentées d’au moins 200%.

Le premier volet de ce projet (création de la caisse) est donc un énorme succès qui témoigne des qualités d’organisation et de gestion des femmes de Débéré. C’est d’autant plus vrai que le contexte était particulièrement difficile. Nous avons donc trouvés en elles de véritables alliés pour le développement du village de Débéré.